Le Royaume de Emmanuel Carrère (2014)

« Personne ne sait ce qui s’est passé le jour de Pâques, mais une chose est certaine, c’est qu’il s’est passé quelque chose. »

Tout part de là finalement. Que ce soit dans notre société actuelle que dans le livre Le Royaume d’Emmanuel Carrère. Je sais… j’ai presque 10 ans de retard .. car ce livre faisait parti des Grands de la rentrée littéraire 2014.

Aperçu dans la bibliothèque de mon grand-père, je l’ai ramené dans le train avec moi car j’étais sur le point de terminer ma lecture de Le Maître et Marguerite. La quatrième ne m’aurait pas forcément convaincu en librairie, mais l’auteur si, sûrement.

Connu pour ses différents ouvrages et sa présence dans l’audiovisuel en qualité de scénariste, je ne le soupçonnais pas ancien chrétien. C’est drôle parce qu’en ouvrant ce livre, le personnage de Ponce Pilate revient, comme si, il me suivait, car aussi présent dans Le Maître et Marguerite.

Qu’est-ce que j’aime les vacances d’été … Pouvoir lire des heures, à toute heure.

Au-delà d’une enquête, comme il aime à l’appeler, c’est une confession : « C’était mon secret, dont je parle ici pour la première fois. » (p. 546). Mélangeant l’auto-fiction, la théologie, le travail d’historien, d’enquêteur et usant de différentes astuces anachroniques pour rendre la lecture plus digeste et accessible, Emmanuel Carrère réussit, selon moi, avec brio ce travail titanesque de recherches et d’écritures, étalé sur 7 années au total.

Passionnante et riche fut ma lecture, ce beau pavé de plus de 600 pages est un monument et fait évidemment parti des indispensables pour les aficionados de roman historique, parce que finalement – hormis son jeu modalisateur – c’est bien de l’Histoire et plus particulièrement la naissance du christianisme dont il est question.

Je fais mon travail de mémoire ici, parce que j’en ai une très mauvaise et je vais donc grossièrement étaler les différents chapitres résumés, pour mieux m’en souvenir :

Le Royaume s’ouvre sur un court prologue, où Mr. Carrère nous révèle avoir été un jour, touché par la grâce. Et qui, dans sa démarche d’écriture, part à la recherche d’une quinzaine de carnets où il commentait des versets de l’Évangile selon saint Jean, installé méthodiquement dans sa routine.

Dans le premier chapitre « La crise« , il nous explique la relation avec feu sa marraine qui a défié son agnosticisme et qui a favorisé sa rencontre avec son futur ami, Hervé, croyant lui aussi. L’impact qu’a eu sa routine quasi-militaire (messes journalières, commentaires de l’évangile, eucharistie et tutti quanti…) sur sa famille et sa relation de couple. Un chapitre un peu trop auto-fiction à mon goût et qui, par moment, m’a fait un peu décrocher.

S’en suit trois chapitres autour principalement des Actes des Apôtres écrit par l’un des quatre évangile Luc rapportant essentiellement la prédication de l’un des quatre apôtre Paul.

Luc est un grec instruit, considéré par Emmanuel Carrère comme étant l’un des premiers romancier de l’Histoire, rencontre Paul, un rabbin controversé qui évangile tout autour de lui car ayant croisé la route de feu Christ Jésus, il a donc là, la preuve de sa résurrection. Son apostolat (propagation de la foi) fonctionne jusqu’en Asie mineure et en Macédoine (encore sous le joug romain) et il réussit à créer un culte nouveau, variante hellénisée du judaïsme, et ce qui va devenir le christianisme. Luc est alors un des piliers du groupe converti par Paul, et à l’occasion d’une grande collecte, il en vient à se porter volontaire pour l’accompagner à Jérusalem. Le grand voyage de sa vie. 

« […] j’ignore si ces candides compagnons de route, tout excités de partir avec leur maître pour la Terre sainte dont ils ont tant rêvé, sont candides au point de ne pas sentir combien toute l’affaire sent le roussi, par contre je pense que Paul se doute des dispositions dans lesquelles on l’attend à Jérusalem. »

Mis en accusation, non par des rabbins orthodoxes comme il s’y était préparé, mais par les dirigeants de sa propre secte. Paul est assigné en résidence et non en prison à Jérusalem. Luc qui lui, continue sa vie à errer aux alentours de Jérusalem en attendant, en vain, le retour de Paul, décide de partir à la rencontre de témoins dont notamment Philippe, qui aurait partagé un repas avec le dit Jésus Christ. C’est la quête de Luc, d’écrire les phrasées de l’évangéliste Marc, mais en mieux, il a soudain accès aux paroles originelles de Jésus grâce à ce fameux Philippe.

Quatrième chapitre et dernier chapitre avant le prologue, le gouverneur Félix est remplacé par un nouveau et ce dernier accepte le jugement de Paul, à Rome, devant le César de l’époque, Néron. Cloîtré dans un appartement miteux, en l’attente de son procès, Paul a la liberté de recevoir qui il veut, quand il veut. Il commence alors à évangéliser les grandes figures juives de Rome, il repart vingt ans en arrière, à continuer son apostolat et c’est ainsi que se termine les Actes comptés par Luc.

Une fin abrupte, accorde Carrère, mais serait-ce pour cacher les atrocités qui s’en suivent ? Comme la fin atroce de Paul par exemple ? La suite, on la connaît (mais pas moi au moment de la lecture) : Néron, l’incendie de Rome, le prétexte pour chasser et tuer tous les chrétiens de Rome. La mort de Paul et de Pierre. Jérusalem se rebelle contre l’antisémitisme et se fait rapidement assiéger par les romains, pendant 3 années charnières. Luc rentre chez lui, à Philippes en Macédoine, en héros. Disparition totale de Jérusalem, sous le commandement d’Hadrien qui érige un palais à la place du Temple, il n’y aura donc pas de troisième temple, le peuple juif aurait dû cesser d’exister car décimé et chassé de leur seule terre, excepté quelques survivants à Yavné.

Trois siècles plus tard, les réformes de l’empereur romain Constantin favorisent largement l’essor du christianisme qui deviendra petit à petit celle qu’on connaît et qui aura bien perduré.

Finalement, c’est bien l’Histoire qui m’aura passionné : la découverte de l’évangile Luc, du sanguin Paul, de toute la fresque de ces années folles ^^ intelligemment conté et documenté par Emmanuel Carrère.
Mais la crise de foi et l’autocentrisme de ce dernier (qui fait son charme) ne m’a pas intéressé tant que ça, mais bon, après tout, c’était le bon prétexte pour nous parler du christianisme et de pousser son travail d’historien, non ?

« Le chemin qu’il prenait, tout petit, pour aller chercher le lait à la ferme, il lui semblait très long, en fait il était court, mais il devient long de nouveau, comme s’il avait mis toute sa vie à le parcourir. »

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